330 GT Registry

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Quelle idée, quelle drôle d’idée, que de vouloir opposer une 2 CV à une Ferrari sur Paris-Nice, et pourquoi donc? Pâques approche à grands pas et avec lui les premiers besoins d’évasion vont renaître au cœur de chaque automobiliste.
Une fois de plus, le problème du conducteur, de sa voiture et de la route va s’actualiser avec tout ce qu’il comporte de suppositions gratuites et al fondées.
On affirmera, une fois encore, dans les sphères officielles, que les plaies et bosses qui vont inévitablement accompagner cette impressionnante transhumance motorisée ne tiennent leur origine que dans ces deux seuls facteurs que Sont le mauvais conducteur et... la vitesse. Moins sentencieux, mais toujours un peu envieux de celui qui possède 300 vrais chevaux, les vacanciers de quelques heures ne manqueront pourtant point de construire châteaux en Espagne et certitude du 150 de moyenne si les hasards du tiercé venaient à remplir leur escarcelle. Ou, peut-être, refusant le rêve et le fantasque, feront-ils endosser au « crétin à la 2 CV » toute la responsabilité de leur trop long voyage, de leur insupportable énervement. Soucieux de répondre à toutes les questions que chaque acteur du grand théâtre de la route peut et doit se poser en 1965, « l’Automobile » a voulu réunir les éléments de ce qui peut être, suivant les conducteurs: un ennui, un dilemme, un différend ou... un drame.
Nous avons voulu savoir ce que le Français moyen pouvait espérer entreprendre à bord de la plus lente des voitures de notre parc: la 2 CV. Parallèlement, nous avons tenté d’établir ce que l’heureux possesseur de la plus belle, de la plus authentique des voitures de sport, la Ferrari 330 G.T., était en droit d’attendre de ses 12 cylindres et de ses 230 km/h.
Il n’a jamais été question dans notre esprit, de faire de cette expérience un essai, une comparaison de ce qui n’est pas comparable et moins encore une tentative de record. Non, beaucoup plus simplement, nous avons voulu fixer, dans de parfaites conditions de sécurité, d’une part la limite de la vitesse admissible sur un grand itinéraire, son prix, ce qu’elle exige, les droits et les possibilités pratiques d’une voiture n’atteignant les 100 km/h qu’avec le vent dans le dos, d’autre part.
Et puis, toujours dans ce même esprit, nous avons voulu éclairer la lanterne fumeuse de ceux qui, à longueur de dimanche, entretiennent avec un certain goût de l’affabulation, le rêve du 100 km/h de moyenne en rentrant de la pêche ou de la plage.
Nous avons également souhaité pouvoir démontrer, en toute humilité d’ailleurs, à quel point ce beau et gros livre qu’est le Code de la Route pouvait être périmé, tout comme le réseau sur lequel s’écoule la circulation qu’il réglemente.

L'Automobile
confronte
pour vous
sur
Paris-Nice

La confrontation à laquelle nous nous sommes livrés sur Paris Nice avec deux voitures choisies aux extrémités de l'éventail de la production mondiale s'est révélée pleine d'enseignements quant à l'alliance nécessaire entre les techniques de même degré d'évolution. De quelle utilité en effet peuvent être les 300 ch. d'une Ferrari en dehors des autoroutes qui seules permettent de leur lâcher la bride? De quelle utilité, à l'inverse, seraient des autoroutes ou voles rapides de même nature si le parc se composait exclusivement de véhicules analogues dans leur conception générale à la 2 CV Citroën ? Ces « petits bouts d'autoroute », lis représentent à peine 180 km sur la route du soleil, laquelle, ne l'oublions pas, figure comme l'artère la plus fréquentée de France. Le compte rendu qui va suivre mettra pour vous en lumière combien peu sensiblement l'horaire de marche d'une populaire voiture évolue au long du parcours, alors que celui d'une Grand Tourisme est au contraire absolument révélateur du coefficient, sans cesse variable, du modernisme de l'équipement.

JOUR "J" HEURE "H" OBJECTIF PARIS-NICE

Le graphique ci - dessous schématise la marche comparée des deux voitures grâce aux relevés de nos chronométrages, relevés que nous avons effectués de 0 h 30 en 0 h 30.

Marche comparée des deux voitures par 
tranche de 30 minutes

Sans crainte de nous répéter, ne manquons pas de rappeler que la, totalité de l'itinéraire s'est effectué en observant un sacro-saint et craintif respect à l'égard du Code de la Route, dont l'existence nous était, au demeurant, assez fréquemment évoquée par la présence de gendarmes.

Sur le plan mécanique, nos deux voitures étaient rigoureusement de série et devaient, tout au long de l'essai, n'utiliser que lubrifiant et carburant couramment commercialisés.

En ce qui concerne l'aspect... disons humain, nos équipages étaient des plus conventionnels (et notre modestie ne devrait d'ailleurs point en souffrir). Nous étions quatre, tous naturellement grands amoureux du volant et gros mangeurs de kilomètres par profession.

A bord de la 2 CV, Etienne Moity, jeune et vaillant pilier de notre équipe d'essais. Il était assisté, dans sa laborieuse entreprise, par François, notre photographe qui se dédoublait, pour la circonstance, en chronométreur. Dans la Ferrari, notre directeur J.-C. Moulin, conscient de l'intérêt de cette expérience et curieux quant à sa conclusion, avait pris la place du passager. L'auteur de ces lignes, plus heureux sur la Nationale 7 qu'à son bureau, en prenait avec joie, mais humblement, le volant.

Pour que le coefficient fatigue intervienne valablement (étant entendu que partant nous savions fort bien que nous n'arriverions point aux dangereuses frontières de l'épuisement), nous devions décider de ne point changer de conducteur. Cette méthode devait également, par la suite, nous permettre de mieux cristalliser nos impressions respectives et d'en tirer ainsi plus facilement la leçon.

Afin d'affronter un trafic normal, nous quittions Paris dans la matinée.

« Et c'est parti ». La traversée de Paris ne nous apprend rien que nous ne sachions déjà. La facilité de progression urbaine d'une voiture est conditionnée par son gabarit et non par sa puissance et dès l'arrivée à Nice nous constatons que la 2 CV a été dans les traversées de villes plus véloce que la Ferrari de presque 5 km/h.

Cela dit, revenons à l'entrée de l'autoroute du Sud, faiblement encombrée, mais sur laquelle flotte une brume très légère.

Nos deux camarades « déchaînent » toute la puissance de leurs 18 ch. S.A.E. qu'il leur faut d'ailleurs aller chercher à 5 000 tr/mn. Quant à nous, souverainement méprisants, la puissance de notre attelage (300 ch. S.A.E. à 6 500 tr/mn) nous interdit tout gaspillage d'énergie inutile.

La 2 CV atteindra Fontainebleau à 92 km/h, ce qui est déjà très prometteur. Pour la Ferrari, il suffit d'ajouter 100 km/h à la moyenne de la première nommée afin d'obtenir la vitesse réalisée (cette méthode aussi exacte que le procédé habituel rend, à la lecture, le résultat moins insolent).

Dès la sortie de la ville, nous rencontrerons un léger crachin accompagné d'un brouillard assez dense et cela presque jusqu'à Joigny. Toujours très guillerette et « dans le vent », la 2 CV ne ralentira point. A bord de la Ferrari, nous adoptons une vitesse de marche réduite, nous faisant ne pas dépasser 140 à 150 km/h.

Peu après Joigny, nous retrouvons une chaussée, parfaitement sèche. Nous traversons Auxerre à faible allure. Sur l'autoroute, un vent de travers, particulièrement violent, ne nous permettra pas d'élever notre moyenne sur ce tronçon à péage à plus de 186,9 km/h ; la 2 CV devra, elle aussi, se contenter de chiffres plus faibles mais réalisera néanmoins un 82 km/h fort honorable. A Saulieu, nous ravitaillons sans empressement et bavardons. quelques instants avec nos amis moins favorisés.

C'est ensuite Tournus, puis Mâcon que nous traversons à moins de 30 km/h.

Heure par heure, distances parcourues par chaque véhicule


Quitter Paris, ses encombrements, ses embouteillages, est use entreprise que l'on effectue gaiement. C'est aussi, hélas, en allant à la

rencontre du soleil, retrouver les mêmes problèmes de circulation en de nombreux points de l'itinéraire touristique menant à Nice.

PARIS-NICE PAR L'IMAGE

Notons qu'auparavant nous avons traversé le passage de la Rochepot, fortement gravillonné, sur plusieurs kilomètres. Bien avant Lyon, nous sommes littéralement bloqués dans de longues files de camions aussi poussives que fumantes. La chaussée porte encore les cicatrices profondes de ses plaies hivernales et nous ne pouvons pratiquement jamais dépasser le M Insensible à ces préoccupations de bourgeois, la 2 CV nivelle toutes les difficultés en digérant stoïquement et bruyamment ornières et nids de poules à 90 km/h sans jamais connaître la moindre inquiétude.

Ce tronçon au revêtement défoncé, à l'écoulement du trafic très lent, eût été sans doute déjà insuffisant à la fin du Moyen-Age pour assurer une circulation normale aux carrosses. On ne s'étonnera donc point qu'au terme de cette deuxième étape, la Ferrari, mise dans l'impossibilité d'extérioriser sa vraie personnalité, ne touche au but qu'à 90,8 km/h. Plus indifférente aux maladies du revêtement, plus adaptée aussi sans doute au réseau des pays - sous-développés - sur le plan routier, la 2 CV arrive très gaillardement à la moyenne de 71,10 km/h.

La traversée de Vienne est particulièrement lente, mais par un curieux hasard, nous retrouvons des la sortie une route complètement dégagée et sur 23 km nous roulerons à plus de 200 km/h.

Hélas, à la hauteur de Valence, nous retrouvons le lent cheminement de files interminables de poids lourds. Docilement, nous progressons par bonds rapides mais malheureusement très courts. A ce petit jeu du dépassement, notre Ferrari se révèle le plus merveilleux engin routier qu'il nous ait été donne de conduire. Souplesse, puissance, déchaînement instantané des 300 ch. nous permettent d'évoquer une fois de plus tout ce que la sécurité doit à la course.

Loin derrière, l'équipage de la 2 CV est partagé entre la résignation et l'énervement. L'approche de Montélimar sonne le glas de tout espoir de moyenne valable. Ce ne sont plus des bouchons que nous rencontrons, mais un véritable barrage. Dans la 330 G.T., nous nous laissons peu à peu envahir par l'amertume alors que dans l'habitacle de la 2 CV on relève les premiers signes avant-coureurs de la dépression nerveuse Légère et partielle amélioration peu après la sortie de la cité du nougat.

Nous ravitaillons à St-Andiol et Poursuivons notre marche.

Nous traversons Aix-en-Provence à des allures de touristes. Abstraction faite de la portion d'autoroute, la chaussée qui nous conduit à Nice est en fort mauvais état. Les traversées de villages sont beaucoup trop étroites et nous pouvons, en de nombreuses circonstances, admirer la dextérité et le sang-froid de nos amis les routiers lorsqu'ils doivent croiser dans ce tortueux et dangereux dédale un de leurs collègues. L'autoroute de l'Esterel approche. Pour nos amis en 2 CV, c'est un peu l'entrée en «Terre Promise». Quant a-nous, nous ne connaissons qu'un peu de regret de devoir déjà abandonner l'extase procurée par la conduite de la 330 G.T. Nous abandonnons nos considérations aux portes du péage de l'autoroute... et notre argent à la sortie.

ce qui à 200 km/h demande attention et réflexes

La conduite à 200 km/h n'est peut-être pas un art, mais elle est certainement une science,
avec tout ce que ce mot comporte de régies précises, à ne pas transgresser.
Revêtement glissant, chaussée défoncée, routes gravillonnées bordées de platanes,
grandes courbes sur lesquelles l'adhérence peur varier brutalement sont autant de points
qui ne tolèrent ni l'audace, ni la témérité sur des routes ouvertes à un trafic normal.

ce qui avec la 2 CV demande patience et endurance

L'accès à la route est autorise à tout ce qui route.
Cet amalgame, cette opposition des puissances et des gabarits est un des gros problèmes
actuels de la circulation et souvent une cause d'accident.
Ce mélange de plusieurs « races » de véhicules pose en particulier au conducteur de voitures
de faible puissance le gros et constant problème de dépassement et installe souvent
chez l'utilisateur énervement et goût de l'imprudence.

ce qui freine toutes les voitures puissantes ou non

« Selon que vous serez puissants ou misérables. »
Non, dans les quelques cas illustres ici, la fable ne vaut point.
que vous soyez Ferrari ou 2 CV, vous devrez ralentir
et parfois même vous arrêter (péage d'autoroute notamment).
L'inadaptation de notre réseau routier a été une des grandes leçons de notre brève expédition.
elle reste non seulement un frein pour la vitesse, mais, ce qui est plus grave encore, une atteinte à la sécurité.

PARIS-NICE PAR LES CHIFFRES

Certains éléments de budget des deux voitures confrontées sur Paris-Nice figurent clans le tableau ci-dessous. Nous avons jugé utile de vous les soumettre, afin de situer exactement les catégories auxquelles appartiennent respectivement ces deux extrêmes, la Ferrari 330 G.T. et la 2 CV Citroën.

 FERRARI 330 G.T.2 CV CITROEN AZAM
Prix catalogue
Taxe locale
Carte grise
Vignette
Assurance aux tiers illimitée Paris
Assurance promenade-trajet Paris
Un pneu

75500,00 F
2 136,65 F
303,60 F
1 000,00 F
949,00 F

210,80 F

5709,00 F
161,56 F
26,40 F
60,00 F

463,00 F
47,78 F

Avec 1' d’écart, la Ferrari, partie 1 h 10’ après la 2 CV, rejoint cette dernière a Saulieu (279 km), On complète les pleins des deux voitures et l’on établit les moyennes. Ferrari: 61,50 litres pour 106,620 km/h; 2 CV: 15,80 litres pour 74,200 km/h.

2e ravitaillement a Champagne-au-Mont-d’Or, à l’entrée de Lyon. Sur les 204 km qui nous séparent de Saulieu, la Ferrari a pris 41’ à la 2 CV. Consommations et moyennes horaires: Ferrari: 45 litres et 108,300 km/h; 2 CV: 11,05 litres et 78,900 km/h.

Le péage d'Antibes franchi, dans quelques minutes, ce sera Nice.

La nuit est magnifique, nous découvrons ça et là dans nos phares, l’éclatement de mille touffes de mimosas. Nous roulons vite, très vite et constatons que le tracé de l’autoroute de l’Esterel n’a pas été étudié pour des voitures de hautes performances, les sorties de courbe sont beaucoup trop refermées pour cela. Ainsi à grande allure on ne découvre qu’à 150 ou 200 m la présence d’un poids lourd ou de tout autre véhicule lent. Enfin, « la route étant ce qu’elle est, et la Ferrari ce que nous savons «, nous redoublons d’attention jusqu’au péage. Plus que quelques kilomètres et nous touchons au but. La tour de l’aérodrome clignote malicieusement de son gros œil rouge.
Cette belle et très bonne journée pleine d’enseignements est terminée. Au-dessus de toutes les règles, de tout ce qui se dit de bon et de moins bon à son égard, la voiture reste une des plus belles inventions de l’homme et sa conduite une extraordinaire aventure et surtout sur Paris-Nice.
Dès le lendemain, nous devions confronter nos impressions de conduite, nos difficultés respectives, nos souhaits communs.
Dans le même temps, nous nous efforcions de comparer et de mesurer objectivement ce que ce parcours avait pu modifier en nos corps et âmes par rapport à ce que l’un et l’autre était au départ. Pour les occupants de la Ferrari 330 G.T., aucune trace de fatigue musculaire. Nous constatons, toutefois, une certaine lassitude oculaire et une baisse sensible de l’influx nerveux tenant sans doute leur origine dans les grandes allures auxquelles nous avons pu et voulu rouler.
Au sein de l’équipage 2 CV, la fatigue a laissé des traces plus nombreuses et plus pro fondes, nos deux camarades ressentent une impression de K. O., d’engourdissement cérébral, une sorte de découragement musculaire provoqué par l’exploitation intensive qu’ils ont tenu à faire de la faible vitesse maximale de leur véhicule.

Moyennes horaires et consommations aux 100 km
Ferrari2 CV
107,3 km/h
avec
21,50 litres aux 100 km
75,4 km/h
avec
5,50 litres aux 100 km
Temps et consommations totalisés
aérodrome d'Orly - aérodrome Nice
8h 43' 30"
et
206,20 litres
12h 33'
et
54,30 litres
Moyennes horaires
autoroutestrafic urbain*
Ferrari2 CVFerrari2 CV
195,3 km/h92,1 km/h42,8 km/h47,5 km/h
Moyennes horaires et consommations
relevées sur chaque étapes
1' étape2e étape3e étape4e étape
Ferrari 330 GT
123,0 km/h
22,04 litres aux 100
108,3 km/h
22,0 litres aux 100
90,8 km/h
19,4 litres aux 100
110,9 km/h
22,6 litres aux 100
2 CV Citroën
79,2 km/h
5,60
litres aux 100
78,9 km/h
5,4
litres aux 100
71,1 km/h
5,60
litres aux 100
73,4 km/h
5,60
litres aux 100


* Moyennes réalisées entre Neuilly et aérodrome d'Orly

...ET POUR CONCLURE

Paris-Nice réalisé dans ces conditions demeure, surtout pour la 2 CV, un petit exploit. Celui-ci reste néanmoins à la portée du bon conducteur, aimant autant la route que sa voiture. Nous pensons malgré tout que pour aboutir à un tel résultat, il convient d’être sinon jeune, à tout le moins énergique.
Quant à l’avance prise par la Ferrari sur son humble poursuiveuse, elle est considérable mais logique et les merveilleuses possibilités de cet engin d’exception atténuent très sensiblement la valeur des qualités du pilote qui entend la mener à une telle allure.
Que peut-on reprocher à ces deux voitures qui, tant par leur conception que leur utilisation, constituent deux extrêmes?
A la 2 CV d’être trop lente bien sûr, à la Ferrari d’être assez gourmande, certainement.
Quelles ont été les régies essentielles tout au long de cet essai ? Pour la 2 CV soutenir une attention particulière tendant à faciliter les nombreux dépassements dont cette voiture est l’objet. En conséquence, toujours garder un œil dans le rétroviseur. Et puis, cri raison du faible pouvoir d’accélération de ce modèle, s’entraîner longuement à l’appréciation des distances si l’on veut prétendre dépasser en toute sécurité. Bien sûr, ne jamais gêner les voitures plus rapides, mais ne point quand même se placer dans un état d’infériorité qui risque de vous entraîner de Paris à Valence derrière un camion. Ne pas oublier non plus de prévenir très tôt lors d’un dépassement.
Et toujours se souvenir de la susceptibilité que bon nombre d’automobilistes manifestent à l’égard d’une 2 CV qui les double. Il faut ignorer cette attitude stupide, la noyer. dans l’indifférence tant elle est grotesque.
Pour la Ferrari le problème est inverse, ce qui se passe derrière n’a qu’une importance secondaire, mais s’efforcer par contre, surtout à grande vitesse, de toujours prévoir ce qui va se passer devant et, en règle plus générale, ne piloter qu’à vue et ne jamais improviser. Toujours se souvenir que ceux qui vous précèdent et ont envie d’entamer un dépassement regardent rarement dans leur rétroviseur et que l’emploi de leur clignotant n’est pas toujours systématique. Comprendre que même en 1965 un conducteur roulant à 160 km/h peut manifester dangereusement sa surprise lorsqu’il se fera dépasser par un engin marchant à une vitesse qui peut être supérieure de 70 km/h à la sienne. Ne jamais oublier que la signalisation actuelle a été prévue pour des vitesses moyennes, en conséquence ne rouler qu’avec ses propres repères. A 230 km à l’heure, ne redoutez point la voiture, elle reste étonnante de docilité, mais attention, manifestez à cette allure des connaissances éprouvées et non point des suppositions n’ayant jamais dépassé le stade expérimental. La conduite rapide sur route normale est une science, elle n’est pas un jeu. Concentrez sans répit votre attention, mettez tous vos muscles en état d’intervention défensive. Faites très attention la nuit, certaines sorties de courbes se dessinent très mal, à 180 km/h la catastrophe arrive très vite.
Tolérez en souriant que pour une très forte majorité la Ferrari reste une voiture de rêve et qu’en conséquence on manifeste à votre égard une malveillance pouvant aller jusqu’à l’agressivité.
En conclusion, si vous aimez la voiture, le soleil, l’évasion la plus tranquille des voitures de notre parc peut vous mener en un peu plus de 12 heures en des lieux plus azuréens que les bords de Seine.
Si vous aimez la puissance, si vous êtes raisonnablement convaincu qu’elle est un facteur de sécurité, si vous savez vous souvenir qu’elle implique autant de devoirs qu’elle accorde de droits, vous aurez dîné et probablement entamé sérieusement votre nuit, heureux possesseur d’une Ferrari, alors que, beaucoup plus tard les propriétaires de voitures plus... normales tenteront de vous rejoindre au rendez-vous commun...

J.-P. THEVENET